LIVRES

Anthony, 10 ans, sourit en me voyant entrer dans sa chambre. Assis dans son lit, le drap remonté jusqu’au menton, il contemple son déjeuner. Des céréales flottent, dépassant du bol.
Je lui dis en me désinfectant les mains :
- Tu n’as pas encore mangé ?
Il me sourit en répondant :
- Ben non, je n’ai pas faim à cause de la chimio. En plus, ça n’a pas de goût. J’ai perdu mon goût en même temps que mes cheveux. C’est la première fois que je vois la peau de mon crâne !
Il rit en se caressant la tête.
- Et tu crois qu’on peut travailler aujourd’hui ?, lui dis-je en riant.
- Oui, je viendrai dès que j’aurai mangé.
Anthony aime bien travailler, donc je sais que je peux compter sur lui.
Je me dirige vers la chambre de Céline, 7 ans. Elle apparaît devant la porte de la salle de bains, un essuie autour de la tête.
- Oh ! Tu es mignonne !
- Je me prépare et j’arrive, me dit-elle en déposant un bisou humide sur ma joue.
Victor, déjà prêt, déambule dans le couloir entre son cartable et sa perfusion. Il me crie :
- Tu portes mon cartable, Léa ?
Nous voilà installés, Victor se met au travail. C’est bizarre, il ne parle pas ce matin et ça ne lui ressemble pas. Je lui demande :
- Qu’est-ce que tu as ? Tu as coupé le son aujourd’hui ?
Il rit en se prenant la tête dans les mains.
- Mais non, Léa. J’ai fait un drôle de rêve cette nuit. J’ai rêvé que j’étais à la maison et quand j’ai ouvert les yeux, j’étais encore tout content. Sauf qu’ après, j’ai bien vu que j’étais toujours ici !
- Je vois que ça ne t’empêche pas de bien travailler !
Tristesse vite dissipée, sa gaieté naturelle reprend le dessus.
- Où sont les autres ? Ils dorment encore ?
- Non, il y a un peu de retard, ce matin, dans le service.
- Oh, ce n’est pas de chance pour toi ça !, dit-il en riant.
Lorsqu’il a terminé son travail, je retourne voir les autres enfants. Anthony toujours dans son lit dit en me voyant :
- Je dois encore prendre mon bain .
Sa maman ajoute en riant:
- Il est en mode relax aujourd’hui !
Je soupire :
- Pff… Pas de chance pour moi.
Anthony rit de mon air dépité.
Dans la chambre de Céline l’atmosphère est électrique. Elle boude devant son lit, l’essuie toujours sur la tête.
Je regarde sa maman qui m’explique :
- Elle ne veut pas prendre ses médicaments alors, je ne la lâche pas.
Céline soupire, croise les bras, fixe le sol.
- Dépêche-toi si tu veux travailler avec Léa, lui dit sa mère en s’impatientant.
Céline me dit:
- Je préfère rester dans ma chambre. Tu peux venir tout à l’heure ?
Et sa maman ajoute :
-Désolée, pas de chance…
La journée commence avec « Pas de chance ». Ils se sont tous donnés le mot ce matin !

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