LIVRES

Yvette me sourit. Ses yeux malicieux illuminent ma journée. Assise, les bras accoudés à la table de nuit, elle me fait signe d’approcher.
Pendant que je m’installe à ses côtés, elle me dit:
- Tu sais, moi j’ai beaucoup réfléchi. Je pense que même si je suis ici, j’ai de la chance.
Elle attend ma réaction.
- Tu m’épates, toi!
Elle prend son inspiration, me regarde fixement et poursuit:
- J’ai de la chance parce que mes parents sont les meilleurs parents du monde entier. Ils sont toujours là quand j’ai besoin d’eux. Ils m’écoutent, m’encouragent. Je sais que tous les enfants n’ont pas cette chance. C’est pour ça que j’ai de la chance, tu comprends?
- Bien sûr que je comprends. Tu as de super parents.
- Il y a des enfants qui sont parfois seuls ici et je trouve ça triste. Surtout quand on sait qu’on a une maladie qu’on peut mourir.
Nous échangeons un regard de compréhension.
Manu qui nous a discrètement rejointes se place entre nous deux en se tenant à nos chaise et se mêle à la conversation.
- Ce n’est pas comme les miens. Mes parents ne savent pas venir beaucoup.
- Pourquoi?, lui demande Yvette.
- Parce que mon père travaille tout le temps et ma mère doit s’occuper de mes sœurs. En plus on habite loin. Ma mère essaie de venir le plus souvent possible mais je vois bien que tous ces voyages en train la fatiguent. Alors, parfois, je me sens seul mais je me dis que c’est mieux comme ça.
- Pourquoi?, redemande Yvette.
- Bah, comme ça elle s’habitue à ne plus me voir tous les jours et si je meurs, je ne manquerai à personne.
- Mais elle te téléphone tous les jours!, lui répond Yvette.
- C’est vrai, dit-il en souriant. Elle m’appelle tous les jours vers midi pour voir si je mange. Je dépose le téléphone près de moi et c’est comme si elle était dans la chambre. Elle mange en même temps que moi pour me tenir compagnie. Elle raccroche quand on a fini de manger. On ne se dit pas grand-chose. On est juste là… ensemble.
- C’est chouette ça, lui dit Yvette. Tu as quand même de la chance, tu vois.
- Oui, c’est vrai. C’est ma chance.

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